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Cœur animal (suite) et Petites vacances à Knokke-Le-Zoute

dimanche 19 février 2017
CŒUR ANIMAL (suite) et PETITES VACANCES À KNOKKE-LE-ZOUTE
Pour en revenir à Cœur animal, de Séverine Cornamusaz, le pardon accordé par Rosine à son rustique mari est le point crucial de cette histoire intimiste.
D’aucuns y verraient une aberration peu avant-gardiste dans cette marche vers la libération de la femme.
Je ne vois pas les choses ainsi. Plus on se trouve isolé dans des contrées sombres et hostiles, plus il est nécessaire de se tenir chaud. Le célibat sied aux villes dans lesquelles tout peut être possible détournement, abandon des valeurs essentielles. Il n’en est pas ainsi dans les milieux paysans, dans lesquels l’âpreté de la vie nécessite caresses et chaleur. Rosine fait bien de pardonner. Son homme en vaut la chandelle. Il s’est « purifié », passé au moulinet savoureux de l’ouvrier espagnol.
Pardonner c’est ouvrir la fenêtre, gagner du temps, refaire sourire le cœur. Ce quasi-documentaire ôte ring et arène , le tourner en rond et permet l’avancée dans des sillons parallèles.
À présent, parler de Petites vacances à Knokke-le-Zoute, film franco-suisse d’Yves Matthey1 avec une exquise Miou-Miou, digne d’une Gulietta Masina.
Fascination pour cette communication si naturelle entre deux singularités complexes : celle de Micheline2, une femme résignée, et Daniel3, un jeune adolescent autiste. Deux êtres si peu déchiffrables par ceux qui les entourent, que ce soit le mari4, les fils5, les parents de Daniel, l’ensemble de la communauté de ce petit village6 des abords de Genève.
C’est merveilleux, la grâce, celle qui permet cette déshinibition. Que tout puisse circuler au-delà des blocages.
Pourtant Micheline est un casse-tête pour son compagnon, fait d’un seul bloc et qui ne peut comprendre la décision soudaine d’une femme si soumise qui au bout de « mille ans de mariage » et trois grands fils s’envole dans une escapade vers Knokke-le-Zoute en compagnie du jeune autiste.
Stupéfiante est la détermination de cette femme, sa volonté inconditionnelle de faire aboutir ses rêves et ses envies.
À ses côtés, embarqué dans cette épopée, Daniel, cerveau admirablement performant, qui jongle avec les chiffres, les calculs de tête et une mémoire époustouflante. Pourtant Daniel est prisonnier d’idées fixes et répétitives, propres à son lourd handicap.
Micheline, avec une douceur et une gentillesse extrêmes sait faire stopper les crises d’obstination de cet adolescent fragile. Elle sait comment lui faire reprendre la route dans sa Dyane orange7 sans pour autant le remettre dans le droit chemin8, car qu’est-ce que le droit chemin ?
C’est tout l’intérêt de ce film fantaisiste, poétique et très original.
Sylvie Reymond-Lépine
Magadino, février 2017
1. Téléfilm helvético-français réalisé par Yves Matthey en 2008.
2. Micheline : Miou Miou.
3. Daniel : Damien Juillerot.
4. Jean-Claude : Jean-Luc Bideau.
5. Olivier : Jean-Alexandre Blanchet. Alain : Romain Vissol. Yves : Nicolas Haut.
6. Il s’agit de Saint-Julien-en-Genevois, à la frontière suisse.
7. Il s’agit d’une Dyane de couleur orange. Faut-il y lire le symbole d’une renaissance ?
8. Par rapport au droit chemin, voir les ouvrages de Josef Schovanec, Voyages en Autistan : chroniques des « Carnets du monde » (Europe 1), Plon, 2016 ; De l’amour en Autistan, Plon, 2015 ; Je suis à l’est !, Plon, 2012.
Voir également, de Christiane Jean-Bart, Autisme : le sacrifice invisible, L’Harmattan, 2015.