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15. Sémaphore (Clohars-Carnoët) : Bernard-Schürch (Suisse)

dimanche 26 mars 2017

15. Passage d’encres III - Mars 2017 - issn 2496-106X.

Sémaphore
La maison de la poésie

Il m’a été demandé de dire quelques mots au sujet de mes textes. Face au réel qui m’entoure je me suis senti et me sens encore profondément interrogé. Cette interrogation suscita en moi un désir autre que la réalité qui m’était imposée.
Bien sûr sur le terrain de cette réalité il y a des fleurs ; mais, même dans les vies le mieux protégées, les mieux organisées, l’homme bute à un certain moment sur des barbelés d’impuissance.
D’où, très jeune, une sensation aiguë – malgré certains bonheurs –­ de chercher, rechercher une Jérusalem dont j’ignorais absolument les coordonnées.
Aujourd’hui mes chemins à travers les Europes – avec toujours dans la poche un carnet –, m’ont amené à vous rencontrer.

À propos de la poésie je me permets de citer quelques écrivains rencontrés sur ces routes.

Iosip Mandelstam, dans Le cœur est voilé d’un nuage, écrit :
... le poète, en ses ténèbres, traque des indices secrets. 1

Dans Cordes-sur-Ciel Cité mystérieuse Paul Sanda, parlant de la poésie, affirme :
La poésie est le seul langage qui peut communiquer sur l’invisible...2

Et quelques lignes plus loin d’ajouter :
... celui qui s’est lancé dans cette découverte... ne peut plus revenir en arrière, et la transformation qui s’opère alors est inarrêtable...

Au fond le poète ne cherche aucune réponse. Il tente d’ouvrir des brèches sur des chemins d’absence comme si par sa quête il pouvait combler le vide.

Lucide le poète connaît trop bien le bonheur illusoire enchaîné à l’éphémere. D’ou son défi. Par sa quête il donne forme et consistance à l’invisible.
Par son incapacité innée à voir la vie visible, le Poète donne vie à l’invisible (l’Essence), affirme Marina Tsvetaiëva dans Romantika.

La parole du poète ? Un cri-défi. Dans un monde d’irréversible.
Par la parole le poète désagrège l’inexorable, chercher à pénétrer l’insu, à dévoiler l’invisible.
Par le poème, le poète se met en quête d’un insaisissable à déchirer.
Ainsi, par la parole le poète rentre dans le champ du sacré.

Je terminerai en citant quelques passages de mon dernier texte, publié en 2016, qui s’intitule La Zone, un itinéraire en errance :

Un royaurne
sans nom,
sans sujets,
sans roi.

Chevauchées débridées des vents.

Accrochées aux étoiles,
des errances d’ailleurs
débrident les confins des horizons.

et les deux dernières pages du même texte :

- la Zone -
toujours en mouvements, toujours en métamorphoses,
traversée de mystères, de dangers, d’invraisemblables épiphanies :

le Stalker

la parcourt en quête du lieu
où,
sans contraintes, sas mensonges,s ans rejets
il peut être,

être Stalker

celui qui passe,
celui qui peut guider
ceux qui désirent atteindre une terre

leur attente peut rejoindre l’intégrité de leur être.

Bernard Schürch


1. Ossip Mandelstam, La Pierre. Belval, éd. Circé, 2003, p. 265.
2. Paul Sanda, Cordes-sur-Ciel Cité mystérieuse. Cordes-sur-Ciel, Rafael de Surtis / Soisy-sur-Seine, Éditinter éditions, 2016, p. 116.
3. Marina Tsvetaïeva, Gallimard, Paris,1988, p. 13.
4. Bernard Schürch, La Zone, un itinéraire en errance, Cordes-sur-Ciel, Rafael de Surtis, 2016, p. 50.